La révolution énergétique est en marche et elle est soutenue par le développement croissant des énergies renouvelables (EnR). En effet, en 2015, l’utilisation des énergies vertes représentait 134 GW de capacité électrique additionnelle, soit plus de 50% du développement global. La quasi-totalité de cette augmentation est représentée par les énergies éoliennes et solaires, qui sont dites variables. Un phénomène qui touche les exploitants EnR et qui peut engendrer des problèmes de sous ou surproduction par rapport à la production attendue par les acteurs du réseau électrique. Une problématique de taille pour la gestion de l’énergie qui a poussé le secteur des énergies vertes à évoluer graduellement vers des installations de production électrique couplée à un système de stockage adéquat.
Qu’est-ce que le stockage ?
Le stockage de l’énergie est l’action qui consiste à placer une quantité d’énergie en un lieu donné pour permettre son utilisation ultérieurement. Il se décline selon 5 catégories :
- le stockage de combustible (pétrole, charbon, gaz, bois,…),
- le stockage mécanique (barrage hydroélectrique, station de transfert d’énergie par pompage/STEP, stockage d’énergie par air comprimé CAES, volants d’inerties),
- le stockage électrochimique (piles, batteries, vecteur hydrogène),
- le stockage électromagnétique (bobines supraconductrices, super-capacités),
- le stockage thermique (chaleur latente ou sensible).
Chaque dispositif se distingue par une puissance de stockage et un temps de décharge, qui, en fonction de leurs coûts, permettent de les utiliser selon différents besoins : transport, système portable, stockage de l’énergie produite,…
Utilité du stockage pour la production d’énergie photovoltaïque
Le photovoltaïque est basé sur l’énergie solaire récupérée, ce qui constitue une dualité au niveau de la ressource entre un potentiel gigantesque et une variabilité difficile à gérer. Cette variabilité est observable à un niveau primaire, durant la nuit, avec une absence totale de production d’électricité, et à un niveau secondaire, lors du passage d’un nuage, où l’ombrage peut produire une perte jusqu’à 70% de la production du panneau PV touché.
C’est là qu’entre en jeu l’intérêt du stockage :
- déplacer les pics d’énergies du milieu de journée, pour les transférer vers une utilisation nocturne,
- améliorer la compatibilité avec le réseau, avec des modèles trapézoïdales et un équilibrage à court terme des variations dues aux passages nuageux.
On peut voir ici que l’énergie stockée et fournie par la batterie permet de stabiliser la production électrique envoyée sur le réseau (ligne rouge).
Le solaire PV penche vers le stockage électrochimique
Dans le secteur lié à l’énergie solaire photovoltaïque, le stockage électrochimique est à ce jour le plus adapté aux besoins des exploitants : le système possède une durée de stockage de l’ordre de quelques heures avec des puissances allant de la dizaine de kilowatts à plusieurs mégawatts.
Cette technologie peut donc être utilisée tant au niveau de la production de petites installations (celle d’un particulier par exemple) que pour des grosses centrales solaires de dizaines voire de centaines de mégawatts.
Les systèmes de stockage électrochimique, plus communément appelé batteries (ou accumulateurs), se sont fondés sur différents matériaux et systèmes de fonctionnement. A ce jour, le plus performant et viable sur le marché du stockage de l’énergie photovoltaïque est la batterie Lithium-ion.
Ce système possède de gros avantages par rapport aux solutions alternatives :
- Une énergie massique (énergie disponible par unité de masse du système considéré) élevée de 100-265 Wh/kg, soit deux à cinq fois plus que la technologie précédente au nickel hydrure métallique et cinq à sept fois plus que nos vieilles batteries au plomb. Pour avoir une idée plus imagée : pour avoir l’équivalent de l’énergie stockée dans un accumulateur lithium de 100 kg utilisé pour un foyer (18 kWh par jour en moyenne), il faudrait utiliser une trentaine de batteries de voiture (environ 15 kg) pour une masse totale de près d’une demi-tonne.
- L’absence d’effet mémoire, qui correspond à un phénomène physico-chimique affectant les performances des accumulateurs électriques s’ils ne sont pas complètement déchargés avant d’être rechargés.
Pourtant, le coût élevé des batteries Lithium-ion reste un frein à leur utilisation globalisée.
A destination de particuliers, le meilleur prix sur le marché est de 3000$ (pour 7 kWh), soit 380€ le kWh. Il s’agit d’un système d’une dimension modérée (1300x860x180mm) pour un poids de 97 kg qui permet de stocker l’énergie solaire produite pour un foyer standard.
A une plus grande échelle (centrale de plusieurs MW), malgré une diminution considérable du coût du stockage par batterie, l’investissement reste conséquent, avec un prix similaire à celui de la centrale elle-même (250€ le MWh).
Il est pourtant prévu que dans les années à venir le coût inhérent à cette technologie continuera à diminuer. Cela permettra une utilisation plus vulgarisée des batteries de stockage dans le secteur de la production solaire PV d’ici peu.
Cette hybridation énergétique sera aussi épaulée par les nouvelles technologies telles que les dispositifs de gestion intelligente de l’énergie, aussi appelés EMS (Energy Management Systems), ou encore les outils d’acquisition de l’information, comme par exemple la prévision de l’énergie.
Un modèle pour le futur
Afin d’illustrer un cas précis de ce que sera la norme des futurs projets d’énergies renouvelables, évoquons ici le site du Portail, à Saint Leu, sur l’île de La Réunion. Ce projet est dirigé par Albioma et correspond à une centrale photovoltaïque de 986 kW installée en toiture d’une grande surface. Le dispositif est couplé avec une batterie Lithium-ion d’une capacité de stockage de 1200 kWh. Pour ce qui est de la partie prévision solaire, elle est supportée par Soleka, l’outil d’aide à la décision développé par Reuniwatt.
Soleka est un système global s’appuyant sur des images au sol issues d’une caméra brevetée et développée par Reuniwatt, d’images satellitales, de modèles météo et de capteurs au sol pour fournir des prévisions de la ressource solaire sur des horizons temporels allant de la minute à quelques jours à l’avance. Le point clé de cette technologie est qu’elle permet d’avoir dans un premier temps un modèle précis de la production de l’installation à J+1 (à fournir obligatoirement aux gestionnaires de réseau). Dans un deuxième temps, la gestion du système à travers l’EMS est rendu possible grâce aux prévisions, ce qui permet d’obtenir une production d’électricité journalière à l’allure trapézoïdale, un modèle de charge obligatoire à fournir sur le réseau des régions insulaires.
Ainsi, le stockage représente bien une solution pour pallier à la variabilité de certaines énergies renouvelables. Son utilisation est de plus en plus répandue, notamment dans les zones non interconnectées (ZNI), où le stockage par batterie va de pair avec le développement des centrales solaires. En revanche, il faudra encore attendre quelques années pour que le coût des batteries diminue et que son utilisation se vulgarise et s’impose comme un incontournable du « business model » de l’énergie solaire PV.
En attendant, pour permettre une transition plus aisée et moins coûteuse vers le mix énergétique renouvelable, il faut envisager d’intégrer en priorité les prévisions solaires grâce à la prévision de production. D’une part, cette technologie représente une solution immédiate pour tous les acteurs du secteur solaire qui nécessitent un outil d’aide au pilotage, à l’équilibrage et à la planification de la production d’électricité solaire. D’autre part, l’investissement initial et sur la durée reste dérisoire compte tenu des atouts apportés. La prévision solaire représente donc à ce jour le « low-hanging fruit » de la gestion d’énergies variables.